Eric Rutten : Images Expos
INRIA Rhône-Alpes, août 2012 - ...

2(racine de 3)/5 : (rond pointu carré)

juil. 2012


Cette série de ronds pointus carrés a été réalisée en oct. et nov. 2010. Entretemps j'ai fait la connaissance de l'OuPeinPo (Ouvroir de Peinture Potentielle), qui est un des Ou-X-Po, regroupement de groupes de recherche sur les créations possibles basées sur la contrainte volontaire, le plus célèbre étant l'OuLiPo en Littérature, et son acolyte OuLiPoPo en littérature policière. Ceci est une interprétation, à partir des souvenirs, pour reconstituer les raisonnements, comme un exercice de rétro-OuPeinPo.

1 Composition géométrique

Au début il y a trois formes : cercle, triangle, carré. Des toiles rondes (en disque), triangulaires (équilatérales) et carrées sont mises en assemblages, composées de sorte à ce que la forme caractéristique de chacune (courbe ou angle) se continue dans celle de l'autre. Si on part du triangle, comme on le voit en Figure 1, en bas à gauche, on a un angle à 60 degrés. Continuant vers la droite, on arrive au carré, de côté C, et son angle droit. Puis, vers le haut, on arrive au cercle, de diamètre C, égal au côté du carré (et donc de rayon C/2). On suit la courbure de l'arc de cercle, jusqu'à s'intégrer, ou se fondre dans le triangle. Ceci a lieu au point tangent, là où le côté du triangle est perpendiculaire au rayon. Il s'agit du rayon à un angle de 30 degrés avec l'horizontale, puisque le côté du triangle est à 60 degrés de cette même horizontale. Le sinus de 30 degrés est de 1/2 : le point le plus haut du triangle est donc à une distance de C/4 au-dessus du diamètre horizontal, lui-même à C; c'est-à-dire que sa hauteur est de h=5/4 C. On peut en déduire la taille du côté du triangle en fonction de celle du côté du carré et du diamètre du cercle, en appliquant le sinus de 60 degrés, qui est de (racine de 3)/2: 5/4 C = (racine de 3)/2 T c'est-à-dire :
C = 2(racine de 3)/5 T
En d'autres termes, plus simplement, et en approximant légèrement: C = 0,7 T. Vu les formats de toiles disponibles sur le marché, ce rapport conduit à adopter les tailles suivantes : C = 20cm, et T = 30cm, ce qui approxime honnêtement le rapport voulu. On les assemble en les superposant, les unes sur les autres, ce qui en fait une sorte de sculpture en 2D1/2. Pour celle qui est en avant on a le choix entre les trois formes, pour la seconde entre les deux qui restent, pour la dernière plus : il y a donc 6 assemblages possibles. La taille de l'assemblage est alors de 30cm de haut pour env. 32 cm de large. Le tout trace le contour en trait gras, silhouette à la ligne asymétrique mais non dénuée d'une certaine régularité.

On utilise 15 toiles de chaque forme, 45 en tout. On aura donc 15 assemblages.




Figure 1 - Composition géométrique.

2 Composition des couleurs

Ensuite, et comme toujours, il y a trois couleurs : bleu, jaune, rouge.

2.1 digression : phosphorescents

Et en plus on considérera, à titre de digression, la phosphorescence, qui sort du domaine des couleurs, mais permet de faire ressortir les niveaux de l'assemblage. La Figure 2 montre comment la forme du fond étant phosphorescente, les autres d'un blanc cassé proche mais inerte, on voit ressortir dans l'obscurité la forme caractéristique de l'assemblage.

Il y a une réalisation pour chacune des formes au fond, et on a utilisé 9 de nos toiles.





Figure 2 - ronds pointus carrés phosphorescents (oct. 2010).

2.2 monochromes

En venant maintenant aux couleurs primaires, on maintiendra égal le nombre de toiles pour chaque forme et chaque couleur : même nombre de triangles rouges, jaunes, bleus; même nombre de jaunes en rond, triangle et carré, etc. En l'occurrence, comme il nous reste 12 toiles de chaque forme, il y en aura 4 de chacune des trois couleurs.

On est tenté alors de commencer par réaliser trois assemblages monochromes, qui mettent en valeur la silhouette constante de l'assemblage. Ils se distinguent par la couleur, et aussi par l'ordre d'assemblage, de l'avant vers le fond. La Figure 3 montre un rond en avant jaune, un carré en avant rouge, et un triangle en avant bleu.




Figure 3 - ronds pointus carrés primaires (nov. 2010).

2.3 bicolores

Ensuite, on passe aux bicolores, où la forme de l'avant a une couleur, et le reste une autre. Il y aurait ici bien d'autres choix : on en réalise trois, une pour chaque forme en avant, associée à une couleur; c'est la même que pour les monochromes. C'est ce qu'on voit en Figure 4.

On a alors utilisé 6 toiles de chaque forme en plus, c'est-à-dire 27 en tout : il en reste 18.




Figure 4 - ronds pointus carrés bicolores (nov. 2010).

2.4 tricolores

On va en faire 6 assemblages tricolores, en gardant donc toujours la contrainte sus-citée d'avoir le même nombre total de chaque forme de chaque couleur : 4.

On tâchera d'avoir des ordres d'assemblages différents, et des ordres de couleurs différents de l'avant vers le fond. On verra qu'il faudra faire une exception.

En haut à gauche de la Figure 5, on voit en avant un carré jaune; plus bas dans la colonne du tableau un carré bleu. À côté, en avant un rond rouge, plus bas dans la colonne du tableau un rond bleu en avant. À côté encore, en avant un triangle rouge.

Jusqu'alors les ordres de couleurs et de formes sont tous différents. Pour avoir un nouvel ordre de forme différent, il faudrait choisir en avant triangle, puis carré, puis au fond, rond. Pour avoir un nouvel ordre de couleurs, il faudrait choisir en avant jaune, puis rouge, puis au fond bleu.





Figure 5 - ronds pointus carrés tricolores (nov. 2010).

2.5 Exception

Or, pour respecter l'égalité des nombres de mêmes formes de même couleur, à 4, ce dernier arrangement ne convient pas. Pour garder cette uniformité globale de la distribution des couleurs sur l'ensemble de toutes les formes, on choisit alors une redondance, en reprenant l'ordre du premier assemblage en haut à gauche : en avant jaune, puis bleu, puis au fond rouge.

3 Conclusion

C'eût presque pu être de l'Oupeinpo (Ouvroir de Peinture Potentielle), fût-ce par anticipation ou inconscience, mais le propos était en fait peu formalisé, ce qui donne lieu à l'aboutissement à une exception, qui est d'ailleurs considérée comme partie intégrante du tout, comme de bien entendu en 'pataphysique.